Le collectif poursuit sa mission de prospection des espèces sur le site de la Caire de Sarrasin, à Mazaugues.
Toujours avec le concours d'un naturaliste spécialisé, nous organisons des prospections naturalistes dont certaines sont ouvertes au public, afin de partir à la recherche des nombreuses espèces animales ou végétales qui vivent sur le site de la carrière et à proximité. Cet hiver, c'est avec beaucoup d'émotion que nous avons découvert des indices de présence de la genette commune, mammifère protégé dont l'habitat est aussi protégé.
Nous avons demandé à Luc Souret, naturaliste et expert de cet animal si discret, de rédiger un article sourcé concernant cette espèce. La Genette est la 85ème des espèces protégées, rares et ou/menacées d'extinction vivant sur le site du projet industriel de Provence Granulats. Nous sommes particulièrement heureux de vous inviter à découvrir ici, des images exclusives de la belle Mazauguaise, la genette Commune.
Photo extraite d’une vidéo prise avec une caméra automatique - ©Luc Souret
Quelle est la 85e espèce protégée découverte à Mazaugues (83) ?
La Genette commune- Genetta genetta (Linnaeus, 1758)
par Luc Souret Février 2023
La Genette commune bénéficie d'une protection totale sur le territoire français depuis l'arrêté
ministériel du 17 avril 1981 relatif aux mammifères protégés sur l'ensemble du territoire. Il est
donc interdit de la détruire, la mutiler, la capturer ou l'enlever, de la perturber intentionnellement
ou de la naturaliser, ainsi que de détruire, altérer ou dégrader son milieu. Qu'elle soit vivante ou
morte, il est aussi interdit de la transporter, colporter, de l'utiliser, de la détenir, de la vendre ou
de l'acheter (Source : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006074394/2007- 05-10/#:~:text=Sont%20interdits%2C%20la%20mutilation%2C%20la,Carnivores).
La Genette commune est un mammifère carnivore strictement nocturne n’appartenant ni à la
famille des félins comme le chat, ni à la famille des Mustélidés comme la fouine. Après avoir
posé pas mal de difficultés avec sa classification, les genettes ont été rangées par le zoologiste
britannique John Edward Grey, en 1821, dans la nouvelle famille des Viverridés avec les
civettes.
Parmi les dix espèces de genettes vivant en Afrique, dans la péninsule arabique et en Asie
tropicale, une seule espèce vit aussi en Europe et c’est la très discrète Genette commune
(Genetta genetta).
Avec un corps effilé au pelage très contrasté, le museau pointu et une queue annelée, sa longueur totale avoisine les 90 cm de longueur environ dont une quarantaine de centimètres pour la queue. Le poids de l’adulte est compris entre 1,5 et 2 kg.
Dans notre région, une vaste étude comportant l’analyse de fèces prélevées, entre 2012 et 2017,
sur 222 crottiers en PACA et représentant 10400 proies, a montré un régime alimentaire très
varié d’un mammifère carnivore opportuniste (Souret & Riols, 2018) :
Les nombreux marquages olfactifs effectués notamment grâce au liquide émis par ses glandes
ano-urogénitales ou par frottement de ses flancs ou de ses pattes contre les rochers montrent
l’importance des communications olfactives indirectes chez l’espèce (Livet & Roeder, 1987).
Frottement des pattes sur le sol - photo ©Luc Souret
La genette est un animal solitaire sauf au moment du rut en janvier ou en février.
Après une gestation de 70 jours, la femelle élève seule sa portée composée la plupart du temps
de deux ou trois jeunes (Chiche, 2017). Les jeunes quittent leur mère au bout de 5 à 6 mois mais
leur maturité sexuelle n’intervient seulement qu‘après deux années de vie (Livet & Roeder,
1987).
Debout, la mère surveille ses jeunes – photo ©Luc Souret
D’origine africaine, les modalités de l’apparition de l’espèce en France demeurent inconnues. Au
Moyen-Age, des individus auraient été domestiqués pour chasser les petits rongeurs autour des
habitations. Le viverridé aurait bénéficié des invasions sarrasines pour être amené dans notre
pays depuis l’Espagne. Sa fourrure était très prisée tout au long des XVe et XVIe siècles
(Muxart, 2019). La genette, animal domestique, a été, peu à peu, supplantée par le chat qui
dégage une odeur beaucoup moins forte.
La conjugaison de l’installation des populations maronnes en France, à la suite de sa désaffection par l’homme, et de l’invasion naturelle, plus récente, à partir de la péninsule ibérique expliquerait d’ailleurs sa répartition actuelle dans notre pays (Pascal et Al, 2006). Une étude génétique récente a montré que les individus présents en Europe étaient proches des souches du Maghreb (Gaubert et Al, 2009).
En France, l’aire de présence dite « régulière » de la Genette commune se situe au sud d’une
diagonale Nantes – Nice. En s’étendant vers l’est, elle aurait franchi le Rhône au milieu du siècle
dernier (Gaubert et Al, 2008) pour devenir commune sans être abondante dans le sud de la région PACA. Néanmoins, elle reste absente ou très rare en montagne. Malgré le manque de données sur la présence de l’espèce dans certaines parties de notre région, on peut penser qu’elle est toujours en légère expansion vers l’est comme c’est le cas au niveau national (Léger & Ruette, 2010).
Ce très discret animal nocturne est assez rarement observé dans la nature sauf par des
automobilistes qui traversent la nuit des zones naturelles et, dans la journée, uniquement lors
d’un éventuel dérangement dans son site de repos diurne. Malheureusement, elle est victime
aussi de collisions avec des véhicules.
La découverte de ses crottiers permet de déceler son territoire. C’est le meilleur indice qui ne
permet guère de confusion.
Dans le Var, l’habitat type est la forêt de chênes et ses dépôts de fèces se trouvent souvent sur
des promontoires rocheux émergeant de la végétation. On peut les trouver aussi sur des arbres ou des édifices humains dans les zones dépourvues de rochers dominants (Postes de chasse,
observatoires ornithologiques en Camargue par exemple). Ses latrines, pouvant être partagées
par plusieurs individus, marquent olfactivement le territoire de la genette (LPO PACA, GECEM,
GCP, 2016).
Les fèces peuvent être présentes en grand nombre et à différents stades de conservation. Elles
atteignent parfois plus d’une vingtaine de centimètres de longueur et vingt millimètres de
diamètre. Les plus anciennes, détruites par le lessivage des eaux, se limitent à une multitude d’os de micromammifères et à des restes d’insectes. En revanche, celles de couleur noire indiquent que le crottier a été encore utilisé récemment par la genette. L’odeur des fèces fraiches est forte mais pas nauséabonde. Une autre caractéristique permet de reconnaitre une crotte de genette : c’est la présence éventuelle d’un plumet de feuilles de Poacées (Brachypodium, Festuca…) à son extrémité. Néanmoins, ce caractère n’est pas constant (Livet & Roeder, 1987) et sa présence semble varier en fonction des saisons.
Crottier de genette – photos ©Luc Souret
Crottier de genette dans son environnement de taillis de chênes – photos ©Luc Souret
La Genette commune se repose en journée dans des zones naturelles, le plus souvent assez
isolées de la présence humaine, en fréquentant plusieurs lieux de repos utilisés alternativement
(cavernes, grands arbres avec des cavités...). Son domaine vital, estimé d’après quelques études
effectuées au moyen d’un système de radiopistage, peut mesurer de 7 à 9 km2 et doit comporter
des zones de végétation assez denses lui permettant de trouver sa nourriture (GMHL, 2010)
(Bonjean & Jemin, 2017).
Pour en savoir plus :
Bonjean & Jemin, 2017. Ecologie comparative de deux Genettes commune (Genetta genetta)
en Limousin : gîtes diurnes, domaine vital, sélection de l’habitat et régime alimentaire.
Plume de naturalistes N°1 : 17-42.
Chiche, 2017. Observations et piégeages photographiques de Genettes communes sur un
site de mise-bas dans le sud-ouest de la France. Plume de Naturaliste N°1 : 1–16.
Gaubert et Al, 2008. Has the common genet (Genetta genetta) spread into south-eastern
France and Italy ? Italian Journal of Zoologiy 75 : 43-57.
Gaubert et Al, 2009. Early phases of a successful Invasion: mitochondrial phylogeography
of the common genet (Genetta genetta) within the Mediterranean Basin. Biological Invasions
: 1–24.
GMHL, 2010. Etude de la Genette commune (Genetta genetta) en Limousin – actualisation
de l’aire de répartition régionale et suivi télémétrique. 42 p.
Léger & Ruette, 2010. La répartition de la Genette en France. Faune sauvage n°287. Office
National de la Chasse et de la Faune Sauvage, 22 p.
Livet & Roeder, 1987. La Genette (Genetta genetta, Linnaeus, 1758). Encyclopédie des
carnivores de France SFEPM, Paris n°16, 33 p.
Mangas & Al, 2007. Aproximación al estudio de la ecología espacial de especies simpátricas
: la Garduña (Martes foina) y la Gineta (Genetta genetta). Galemys Spanish Journal of
Mammalogy, 19 : 61-71.
Muxart, 2019. Essai sur la valeur symbolique de la genette dans la littérature et l’art
médiéval occidental. In L’animal symbole, Paris, Editions du Comité des travaux historiques et
scientifiques, 17 p.
LPO PACA, GECEM, GCP, 2016. Les Mammifères de Provence-Alpes Côte d’Azur.
Biotope, Mèze : 200-201.
Pascal et Al, 2006. Invasions biologiques et extinctions. Belin Quae : 252-253.
Souret & Riols, 2018. Etude du régime alimentaire de la Genette commune (Genetta genetta)
et sa répartition en région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur. Faune-PACA Publication n°79.
La discrète Genette commune – Luc Souret – Février 2023
La belle Mazauguaise part en chasse. Capture vidéo du Collectif Anti Carrière de Mazaugues Février 2023
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